Une élue d’opposition dérape sur Boualem Sansal : la morale en roue libre

Reconstitution par IA, utilisée uniquement à des fins illustratives.

Un an. Voilà un an que Boualem Sansal, écrivain francophone majeur, dort derrière les barreaux d’une dictature qui n’aime ni la vérité ni la France. Un an d’enfermement arbitraire, un an d’indifférence feutrée. L’occasion de revenir sur ce moment de déshonneur pour la ville d’Aix.



S

ouvenez-vous : 6 décembre 2025. Le conseil municipal (voir la video) s’apprête à nommer Sansal citoyen d’honneur. Un geste simple, juste, digne. L’occasion de rappeler qu’un écrivain ne se résume pas à la géopolitique de son passeport, et qu’on peut encore, en France, défendre la liberté sans demander l’avis du parti.

Mais voilà qu’une élue d’opposition, étiquetée France insoumise, décide d’empoisonner la coupe. En plein conseil, elle lâche l’invraisemblable : « C’est quand même quelqu’un qui nous inquiète ! » Ce “quelqu’un”, balancé comme une gifle anonyme, dit tout. Pas “l’écrivain”, pas “le penseur”, pas même “l’homme”. Non. Quelqu’un. L’indéfini de la suspicion. La réduction au néant.

Elle poursuit, sûre d’elle : elle s’est “renseignée” — sur Internet, évidemment, à coups d’articles piochés ici et là, entre deux tweets indignés. Et la voilà qui accuse Sansal de “négation”, mot lourd, mot sale, qu’on ne sort que pour salir. Parce que dans ce petit monde de la gauche morale, la nuance est un luxe bourgeois.

Et pour se donner un peu d’autorité universitaire, elle cite Benjamin Stora — historien officiel contreversé de la bonne conscience nationale, ancien trotskiste de l’OCI, ce creuset d’où sortit Mélenchon. La boucle est bouclée : on s’indigne dans le cercle fermé de la famille idéologique. On parle d’Algérie en serrant les poings depuis les bancs du conseil municipal d’Aix, à mille kilomètres de tout courage réel.

Puis, cerise sur le cynisme, elle balance son point Godwin de comptoir : « L’extrême droite le soutient ! » — comme si, pour être défendu, il fallait montrer patte blanche à la gauche radicale. Comme si la liberté d’un homme valait moins que la pureté de son CV politique. On imagine la scène transposée à d’autres temps : la même élue, face à un Nelson Mandela de 1980, lançant d’un ton pincé : « C’est quand même quelqu’un qui nous inquiète… » Il était alors accusé de terrorisme, lui aussi soutenu par des “mauvais camarades”. L’histoire, elle, a su faire la part des choses. Pas nos moralisateurs du jour.

À Aix, l’hypocrisie est devenue un art municipal. On s’y réclame de la liberté, mais seulement quand elle ne dérange pas la ligne du parti. On brandit la culture, mais on la mesure à l’aune du politiquement compatible. On joue les Voltaires en séance publique, tout en bâillonnant les voix qu’on ne comprend pas.

Un an d’emprisonnement pour Boualem Sansal. Un an de silence gêné, de regards fuyants, de vertus à géométrie variable. Le courage, à Aix, ne se paie pas cher : un badge, une motion, et surtout, un grand “quelqu’un” pour ne pas avoir à dire “un homme libre”.

Article par Jibril Riqueti

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